Richard Linklater, figure emblématique du cinéma américain  #article #cinéma

S’il existe un singulier réalisateur et scénariste américain contemporain, c’est bien Richard Linklater, qui a commencé sa carrière à la fin des années 80. Cinéaste protéiforme et expérimental, tant narrativement que visuellement, son travail est marqué par la question du temps, du rêve et par des interrogations fondamentalement existentielles. Richard Linklater est un cinéaste du regard qui prend son temps pour contempler, analyser et comprendre ce qui l’entoure. Il est le cinéaste qui, de ses observations, cherche à montrer la poésie plutôt qu’atteindre une sorte de conclusion ou de vérité illusoire.

Ainsi, il est à l’origine de la trilogie Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight mettant en scène Ethan Hawke et Julie Delpy, drames romantiques parmi les plus belles histoires d’amour du cinéma. Les trois oeuvres tournées à plusieurs années d’intervalles présentent les mêmes personnages voyant leurs vies et leur relation évoluer au fur et à mesure des années, dans un cadre spatio-temporel restreint. Before Sunrise, par exemple, narre la rencontre fortuite des deux acteurs, amenés à se séparer au matin. Boyhood, dernier film en date du réalisateur, sorti l’été dernier, et tourné avec les mêmes acteurs sur une période de douze ans, transcende le dispositif de la trilogie. C’est aussi 12 ans d’histoires des États-Unis, de la politique à la musique, en passant par la technologie. On y suit la vie du jeune Mason, interprété par Ellar Coltrane, et de sa famille.

Le cinéma de Richard Linklater est à la fois d’une grande complexité dans ses thématiques mais brillant de simplicité et de légèreté dans la manière de les aborder. Ses films sont marqués, entre autres, par un beau constat existentiel. Prenons la trilogie Before comme illustration. Dans un flot de milliards d’humains, la vie de deux individus semble insignifiante. Mais à leur échelle, l’existence est presque une conceptualisation de l’infini : une simple rencontre, l’espace d’un instant infime, l’arbre des possibles explose en une multitude de nouvelles voies. Aussi minuscule qu’est l’être humain, sa vie est-elle si anodine, banale ? Le plus simplement du monde, Richard Linklater esquisse une réponse en peignant avec poésie et bienveillance ses personnages. Dans Boyhood, la mère de Mason incite un jour un ouvrier, personnage très secondaire, à reprendre ses études. Plus tard dans le film, il vient chaleureusement la remercier alors qu’elle mange avec ses enfants dans le restaurant qu’il dirige à présent. Linklater montre à quel point une simple existence, de surcroît difficile comme le film la raconte, peut en un instant avoir comme répercussions. Il s’agit d’un message magnifiquement universel.

Boyhood, la trilogie Before et d’autres films comme Dazed and Confused s’appuient sur une grande simplicité, sur la force du regard de Linkater pour exposer leur propos. Il en résulte des oeuvres presque naturalistes ancrées dans leur génération par ce qu’elles montrent mais, néanmoins, d’une grandiose intemporalité dans ce qu’elles disent.

Luca Mailhol

(publié en janvier 2015 dans Touristica International)