À la mémoire de François Truffaut  #article #cinéma

Il y a 30 ans disparaisait une figure emblématique du cinéma français, François Truffaut. Pour l’occasion, la cinémathèque française lui dédit une grande rétrospective très documentée. Elle retrace la vie du cinéaste, de son plus jeune âge au sommet de sa carrière à travers de nombreuses images, des documents issus des archives de la cinémathèque, des vidéos ou encore divers inédits, des écrits, de la correspondance, des notes, des faits divers dans les journaux, des livres : un matériau extrêmement littéraire. Il était obsédé par l’archivage, le classement. Mais avant de se lancer dans ce parcours, il convient de se demander qui est François Truffaut et pourquoi ce personnage a durablement marqué l’histoire du cinéma, à la fois comme critique et réalisateur.

Né en 1932 à Paris, il passe une enfance atypique qui, plus tard, marquera durablement son œuvre et cristallisera certains de ses thèmes de prédilection, pour ne pas parler d’obsessions, notamment dans le premier volet de la saga Antoine Doinel, Les Quatre Cents Coups. D’abord critique aux Cahiers du Cinéma, il est le réalisateur de nombreux films d’anthologie tels que Jules et Jim, La Nuit Américaine ou encore Les Deux Anglaises et le continent. Sa mise en scène apparemment discrète dissimule comme chez Hitchcock un travail considérable effectué sur le conscient et l’inconscient du spectateur. Mais avant tout, François Truffaut, c’est un mouvement cinématographique, La Nouvelle Vague, ainsi que la “politique des auteurs”.

Cette politique donne au réalisateur le statut d’auteur de ses films. En d’autres termes, il est le maître de sa production qui revêt alors le caractère le plus personnel possible. Il s’agit de l’ériger au rang d’artiste et le film au rang d’oeuvre. En effet, l’art naît immanquablement de la volonté d’expression d’un individu, qui à travers une intention cherche à communiquer. L’art est un exercice paradoxal car il est personnel, presque égoïste par essence mais destiné à être ouvert à tous. Il existe autant de manières de “faire de l’art” qu’il existe d’individu souhaitant s’exprimer. L’art n’est pas un vulgaire objet de consommation reproductible à l’infini, une chose insipide ne véhiculant pas la singularité d’un être humain (bien que certains artistes comme Warhol et Lichtenstein aient joué sur cette idée, ce qui, basiquement, est bien une intention personnelle). Une phrase d’Hegel illustre bien ces propos : “On dit de certains portraits qu’ils sont ressemblants jusqu’à la nausée.”. Il en est de même au cinéma.

La création d’un film est une aventure collective, certes, mais directement menée et marquée par l’empreinte de son réalisateur. Ainsi, le film n’est plus un simple objet sans âme mais une entité artistique à part entière. Du moins, c’est ce que pense Truffaut et ses congénères et il est évident que la “politique des auteurs” a marqué durablement l’idée de cinéma, continuant toujours à alimenter les débats.

À travers ses paroles et ses films débordants d’émotion, son engagement si grand pour le septième art, François Truffaut est devenu une icône historique. Il s’impose toujours durablement comme une influence majeure partout dans le monde. Cette grande rétrospective permettra à tous de découvrir ou redécouvrir l’homme qu’était Truffaut, de frissonner devant les extraits de films en se rappelant de beaux souvenirs de visionnage et donnera envie de se pencher sur cette fameuse Nouvelle Vague et tous les grands films si singuliers qu’elle a enfantés.

Luca Mailhol

(publié en février 2015 dans Touristica International)