L'Un et l'Autre se disent, un court-métrage entre danse et philosophie  #projet #chef-op

Il y a quelques semaines se terminait le tournage de L’Un et l’Autre se disent, un court-métrage écrit et réalisé par Yuntian Guan, que j’ai eu le plaisir de mettre en image. C’était pour elle un projet tout particulier : une histoire écrite il y a longtemps et déjà deux autres tentatives de réalisation au cours de ces dernières années. Une semaine de tournage entre amis et un beau challenge à relever.

Un projet court, mais dont l’ambition a demandé la mobilisation de nombreuses compétences. Ne serait-ce que celle du comédien principal, Eliot Hoff — retrouvé avec joie — qui a pris des cours de danse pendant plusieurs mois pour se préparer. Le travail de décoration mené par Claire Challet et son équipe a aussi demandé une grande attention. Nous avons pu déterminer ensemble les différents éléments à construire, les couleurs et matériaux utilisés… Un travail de longue haleine très intéressant qui m’a rappelé les longues heures de création de décors investies dans Demain d’Argile.

Le film a donc demandé un certain temps de préparation pour traduire au mieux les envies de Yuntian. Et une fois à la page par rapport à certaines idées précises, elle nous a donné une grande marge de manœuvre pour interpréter ses intentions.

L’Un et l’Autre se disent m’est directement apparu comme mué d’une double identité. D’un côté très symbolique dans ses tirades philosophiques, de l’autre plus organique dans ses longs passages dansés. C’est néanmoins un film assez conceptuel assumant un côté cérébral qui traverse même les moments les plus lâchés. Le challenge était de donner au film une image solide. Une image qui réponde à cet aspect pensé, sans l’alourdir aux yeux des spectateurs. Tout le découpage a été fixé à l’avance et j’ai même pris le temps de story-boarder le film. L’idée était de suivre au plus proche l’évolution abstraite du scénario dans le ressenti au cadre et à la lumière.

De la caméra fixe accompagnée de légers mouvements au début, une rupture dans une grande séquence de danse filmée à l’épaule directement par la réalisatrice au milieu… Enfin, une scène de finale dans laquelle la caméra évoluait librement sur rail, où le zoom me permettait d’aller chercher un maximum de détails. C’est une danse que j’ai cadrée sans connaitre la chorégraphie, ce qui m’a amené à la découvrir au fur et à mesure, à ne jamais trop anticiper les mouvements dans l’intention de suivre, d’être surpris, de donner l’idée d’une captation live dans laquelle la caméra apparaît même en retrait dans le reflet des grands miroirs du studio. Une séquence magnifique à tourner ! Avoir ce sentiment de glisser à contre-courant du mouvement du danseur, tout en ayant la possibilité de m’approcher en zoomant, sans le gêner dans sa course… Excellent. Et Léo, qui poussait à ce moment la Dolly, a très vite capté le rythme avec une précision affolante ! Je peux dire que j’avais le sourire en filmant tout ça.

Outre ce moment, nous nous sommes aussi amusés sur un long plan séquence particulièrement millimétré. Un passage clé du film que nous aurions pu tourner en plusieurs fois mais qui était nettement plus intéressant à traiter d’un seul coup en terme de mise en scène. Une sympathique chorégraphie à mettre en place entre le déplacement du comédien et ses changements de costumes, le mouvement de la caméra et les allumages de projecteurs.

En parallèle du cadre, j’ai essayé d’inscrire dans le film une évolution de la couleur, chaque séquence étant traitée de manière isolée. Seul le côté assez dense et contrasté de l’image les relies toutes. Sans pousser non plus dans la dramatisation de l’esthétique, le rendu est sombre et Yuntian souhaitais faire transparaitre une légère forme d’étrangeté dans l’aspect global du film.

Un point sur la caméra

Sur ce projet, j’ai décidé d’utiliser une Alexa Classic XT. Rien ne me poussait à choisir une caméra plus compacte et je souhaitais retrouver la flexibilité du workflow Arri, découvert sur Les Chairs Froissées avec la Mini. Et pour ne rien gâcher, la Classic de par son âge et son gabarit s’est avéré le choix le plus avantageux financièrement parlant.

En terme d’optique, je suis resté concentré sur le parc des Ateliers du Cinéma mais en priorisant la série Zeiss Go, pour une fois. Seule une séquence a été tournée au Cooke Varo-Panchro 20-60 et une autre à l’Angénieux 25-250 pour profiter de sa plage de zoom.

Pour les filtres, j’ai choisi de tester les Schneider Radiant Soft. Intéressants sur le papier et de ce que j’en voyais sur internet, j’ai pu effectuer quelques tests en prépa. Si l’effet m’a paru plus subtil qu’escompté, il correspondait assez au ton recherché : une certaine douceur, des peaux mises en valeur et une légère diffusion sans casser le contraste global de l’image.

Une configuration image très efficace et facile à gérer. Je remercie bien sûr Tom Dubreil et Romance Ricaud pour leur super travail et leur efficacité !

Et un autre sur la lumière et la machinerie

En terme de lumière, j’ai profité de ce projet pour utiliser quelques sources plus « modernes » que d’habitude. Notamment des tubes Astera Titan, source qui s’est taillée une place dans presque tous les tournages actuels. Ils sont effectivement très appréciables et ultra-versatiles même si je manquais d’accessoires pour vraiment les travailler. Plus encore que les tubes, j’ai adoré les ampoules Nyx, planquées dans des boules chinoises. L’usage est un peu différent mais ça me change des lucioles tungstene DIY que j’avais l’habitude d’utiliser.

Pour le reste, j’ai utilisé beaucoup de projecteurs de scène. Notamment dans les dernières séquences du film tournées en studio. Il m’a fallu réfléchir à comment préparer tout en même temps, pour assurer la continuité lumière, tout en prévoyant de nombreux changements d’ambiance. Ce sont donc une trentaine de P.C, découpes, PAR et autre qui ont été branchés et vaillamment controlés par Maeldan à la console ! Enfin, n’oublions pas mes chers miroirs — par chers - que j’utilise de plus en plus depuis Hérisson.

Nous nous sommes aussi bien amusé en machinerie. J’ai déjà parlé du travelling (toujours la belle Elemack), c’était aussi pour moi l’occasion de tester pour la première fois une mini-jib. Outil très intéressant bien que trop court — en même temps, c’est une mini-jib, pas une jib — pour certaines idées de cadre que j’aurais aimé mettre en place.

J’ai déjà mentionné Léo Nèti à la machinerie et Maeldan Eudo à la lumière, je citerai aussi le reste de l’équipe, Étienne Suzac (machinerie) et Benjamin Jouve (lumière) ! Un très grand merci à eux, comme d’habitude, pour leur excellent boulot.

Pour ce tournage ambitieux mais dont la bonne préparation nous aura permis de le voir se dérouler sans accros, il s’agit de remercier les prestataires matériels : Pleine Image Location, Constance Production et Perfect Live. Merci aussi au théâtre Piccolo de Chalon et à la Lanterne Magique de Beaune pour leur accueil. Enfin et toujours un grand merci aux Ateliers du Cinéma, tant pour le matériel, les studios mais surtout le soutien sans faille autour de tous ces projets.

Merci à Yuntian de m’avoir fait confiance ! Et merci à tout le reste de l’équipe, constituée de plein de gens que j’étais heureux de revoir ou rencontrer. On a encore bien rigolé.

Toutes les photographies sont de Roxane Bergerot et de Romance Ricaud. Merci beaucoup !
Ci-dessous, quelques extraits de documents de préparation…